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Articles

Focus pédiatrie en médecine générale

08/12/2022

Pr Marie-Françoise Dresse, Chef de service adjoint, service universitaire de Pédiatrie

Dr Julie Longton, Hémato-oncopédiatre 

Dr Sandra Pannizzotto, Pédiatre 

Dr Louisa Soukane, Urologue

Dr Éric Troisfontaines, Urologue
 

Les anomalies vasculaires chez l’enfant

Pr Marie-Françoise Dresse et Dr Julie Longton 
 

Les lésions vasculaires sont des lésions hétérogènes entraînant une symptomatologie extrêmement variée. Certaines d’entre elles nécessitent un bilan radiologique pour leur diagnostic et le choix du traitement le plus approprié. D’autres nécessiteront également un bilan étendu à d’autres sytèmes à la recherche de lésions associées ; en effet, ces anomalies peuvent faire partie d’un syndrome dans lequel différentes structures peuvent être affectées. Des consultations conjointes (dermatologue et hémato-oncologue pédiatrique) sont organisées afin de rencontrer rapidement ces patients et de leur proposer une prise en charge diagnostique et une orientation thérapeutique.

Les anomalies vasculaires touchent les vaisseaux sanguins (capillaires, artères, veines) ou lymphatiques. En raison des nombreuses terminologies utilisées antérieurement, rendant difficile un langage scientifique commun, elles sont actuellement définies selon la classification de l’International Society for the Study of Vascular Anomalies (ISSVA), et se distinguent en deux groupes : les malformations et les tumeurs vasculaires.

Les malformations vasculaires sont définies selon le type de vaisseau atteint (capillaire, artériel, veineux, lymphatique). Plusieurs malformations vasculaires peuvent coexister ; il s’agit alors de malformations combinées (capillaro-lymphatique, veino-lymphatique…). Ces lésions sont causées par une anomalie dans le processus d’angiogenèse, conduisant à des vaisseaux anormaux et dysfonctionnels. Elles sont présentes dès la naissance et grandissent avec le patient, ce qui explique qu’elles ne sont parfois visibles ou symptomatiques que plus tard dans la vie. Il n’y a pour la plupart pas de régression spontanée. La connaissance récente des voies signalétiques impliquées dans le développement de ces malformations a permis l’émergence de traitements ciblés, améliorant considérablement la qualité de vie des patients.

La symptomatologie des malformations vasculaires est très variable, pouvant être d’ordre physique ou fonctionnel. Il peut s’agir de douleurs, d’oedèmes, de complications hémorragiques ou infectieuses, ou encore d’atteintes d’organes liées à la localisation de la lésion. Deux examens radiologiques peuvent être nécessaires à leur diagnostic : l’échographie Doppler et l’IRM. L’échographie Doppler permet de distinguer les malformations à flux lent (capillaires, veineuses, lymphatiques) des malformations à flux rapide (malformations artério-veineuses). De plus, elle permet d’exclure l’association à une malformation vasculaire plus profonde, notamment dans le cas des malformations capillaires. L’IRM est essentielle en cas d’anomalie vasculaire profonde pour l’analyse des rapports de la lésion avec les autres structures (muscles, vaisseaux, organes…).

Les options thérapeutiques sont variées et incluent la sclérothérapie, la chirurgie ou encore les traitements médicamenteux ciblés (sirolimus - inhibiteur de mTOR, trametinib – inhibiteur de MEK…). Ces traitements peuvent également être complémentaires.

Les tumeurs vasculaires sont des lésions d’hyperplasie tissulaire liées à une prolifération cellulaire. Elles peuvent donc apparaître après la naissance, et certaines lésions peuvent régresser spontanément. On distingue les tumeurs bénignes, localement agressives ou borderline, et malignes. 

La tumeur vasculaire la plus fréquente est l’hémangiome infantile. Il s’agit d’une tumeur bénigne qui touche 5 à 10 % des nourrissons. Il est habituellement invisible ou peu visible à la naissance, et apparaît après quelques jours de vie. Son évolution est caractéristique et se déroule en 3 phases : une phase de prolifération rapide durant les 3 premiers mois (avec une croissance possible jusqu’à 9 à 12 mois), une phase de stabilisation jusqu’à l’âge de 18 à 20 mois, suivie d’une phase de régression lente jusqu’à l’âge de 5 à 7 ans. La majorité des hémangiomes infantiles ne doivent pas être traités. Mais certaines lésions peuvent entraîner un risque vital (sphère ORL…), un risque de séquelle fonctionnelle ou esthétique en raison de leur localisation (paupières, région ano-génitale…), ou se compliquer par un saignement ou une infection, et présentent alors une indication de traitement (Figure 1). Certains hémangiomes infantiles peuvent être associés à d’autres lésions, comme dans le syndrome de PHACES, nécessitant un bilan neurologique, ophtalmologique et cardiologique. Un score clinique a été développé par un comité d’experts à l’intention des médecins généralistes et pédiatres, visant à aider le praticien quant à la nécessité de référer ou non l’enfant présentant une ou plusieurs lésions d’hémangiome infantile (Figure 2). 

Le traitement de première intention est le propranolol par voie orale, qui s’instaure à doses progressives lors de deux journées espacées d’une semaine à l’hôpital de jour sous surveillance des paramètres hémodynamiques et glycémiques. Le traitement est habituellement arrêté vers l’âge d’un an, car l’évolution naturelle de la lésion tend vers un état de stabilisation, et dès lors, le traitement devient inutile.

Enfin, certaines anomalies vasculaires peuvent entrer dans le cadre de syndromes plus complexes. Ils sont à évoquer face à certaines présentations de la lésion vasculaire elle-même ou à des anomalies cliniques associées, comme une macrocéphalie, une hypertrophie d’un membre ou encore des lésions lipomateuses. 

 

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Équipe pédiatrique impliquée dans la prise en charge des anomalies vasculaires à l’hôpital de la Citadelle de Liège :

_ Consultations conjointes

  • Dr Sandrine Cao, dermatologue
  • Dr Julie Longton, hémato-oncopédiatre

_ Chirurgie pédiatrique : Dr Martine Demarche 

_ Radiologie pédiatrique :

  • Dr Henri Bostem
  • Dr Mounia El Hashemi
  • Dr Paul Jamblin
  • Dr Florence Ledure 
  • Dr Léon Rausin
  • Dr Laurent Schoysman

_ Radiologie interventionnelle : Dr Denis Henroteaux
 

L’enfant maltraité, ses parents et le médecin : le bon, la brute et le truand ? Principes de prise en charge de la maltraitance infantile.

Dr Sandra Pannizzotto 

Parmi les pathologies pédiatriques que nous rencontrons, il en est une qui particulièrement nous bouscule, nous questionne et nous met en difficulté : la maltraitance infantile. Complexe sur le plan clinique, maladie à lourd facteur de morbidité et mortalité, elle convoque également les notions de danger et de protection de l’enfant mais aussi le rôle que nous, médecins, avons à y jouer. 

Pouvant revêtir de nombreuses formes cliniques (physique, sexuelle, émotionnelle et psychologique, négligences graves, enfant témoin de violences conjugales), la maltraitance infantile répond à la définition de pathologie chronique et touche 1 à 5 % de la population pédiatrique. Elle relève, dès lors, d’un problème de santé publique majeur. Bien évidemment, des exacerbations et manifestations à caractère aigu existent et sont souvent le déclencheur d’une prise en charge au long court. La définition selon l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) de la maltraitance de l’enfant “comprend toutes les formes de mauvais traitements physiques ou psycho-affectifs, de sévices sexuels, de négligences ou d’exploitation commerciale ou autre entraînant un préjudice réel ou potentiel pour la santé de l’enfant, sa survie, son développement ou sa dignité dans un contexte d’une relation de responsabilité, de confiance ou de pouvoir”. Grevée d’une morbidité et mortalité importantes (elle engendre environs 10 % de décès et 15 % de séquelles sévères), la maltraitance est pour autant une pathologie dont les données statistiques sont particulièrement sous-estimées. Ce “chiffre noir” s’explique par le fait que de nombreux services sociaux, judiciaires ou hospitaliers sont parties prenantes lors des signalements. Il est, dès lors, difficile de réaliser des recoupements et il est malaisé de suivre ces patients au long cours (placements, nombreux déménagement des familles…). En outre, une partie des dossiers judiciarisés vont répondre à la loi du secret médical mais également de l’instruction, ce qui, en matière notamment de syndrome du bébé secoué, rend difficile l’accès aux révélations de l’auteur. Ajoutons encore que la maltraitance existe dans tous les milieux socio-culturels et économiques.

Parmi les circonstances de dévoilement qui peuvent amener à poser un diagnostic, il est à noter qu’une lésion clinique dite “sentinelle” est retrouvée dans 25 % des cas. Pour autant, le raisonnement clinique qui mène au diagnostic de maltraitance infantile est souvent entravé voire inhibé de par la nature inconcevable de la pathologie. En effet, si diagnostiquer c’est réfléchir, comment faire pour réfléchir à l’impensable ? Pourtant, ici encore la clinique est un outil précieux qui nous permet de poser un regard objectif sur les symptômes ou les paroles de l’enfant.

Lésions cliniques évoquant une maltraitance infantile

Parmi les lésions qui doivent nous faire évoquer le diagnostic, nous retrouvons : 

_ Les fractures spiroïdes des membres supérieurs chez le jeune enfant de moins de 3 ans. Toutefois, au-delà, l’anamnèse doit bien sûr pouvoir nous guider.

_ Les fractures spiroïdes des membres inférieurs avant l'âge de la marche.

_ Les fractures des côtes du nourrisson notamment au niveau des arcs postérieurs.

_ Les arrachements métaphysaires et les décollements sous-périostés.

_ Les traumatismes crâniens graves (fractures complexes, embarrures, avec signes neurologiques francs) sans relation avec un traumatisme violent (exemple : AVP), plausible en présence de témoins neutres. Notons que les chutes de faible hauteur de moins de 1,5 mètre n’occasionnent que très rarement des traumatismes crâniens graves.

_ Lésions non compatibles avec le développement de l’enfant et faisant dès lors questionner l’intervention d’un tiers. 

_ Le syndrome du bébé secoué, associant des hématomes sous-duraux plurifocaux associés ou non à des hémorragies rétiniennes. 

_ La présence d’hématomes cutanés chez le nourrisson de moins d’un an ou avant mobilisation : en l’absence d’un trouble de la coagulation documenté, ce type de lésion est pathognomonique. Des hématomes multiples et d'âges différents sont également un argument clinique et ce, à tout âge, de même que leur présence dans des régions comme le dos, les fesses, le périnée, les cuisses ou le pavillon de l’oreille. De même, le diagnostic sera évoqué si l’anamnèse relève un traumatisme unique invoqué pour expliquer des hématomes multiples et d'âges différents ou si devant un tableau lésionnel grave, un traumatisme mineur ou aucun traumatisme n’est relaté (“lésion magique”).

_ Les anamnèses et versions d’un traumatisme ou d’un “accident” fluctuantes au fil de la prise en charge.

_ Les signes de négligences, dénutrition, déscolarisation, défaut d’hygiène de base (en dehors de toute “précarité empêchante”), traitements vitaux non administrés ou refusés, retard de recours aux soins…

_ Les allégations de maltraitance physique ou d’abus sexuel sont également à considérer avec le plus grand sérieux. S’il n’est pas possible de développer ce sujet plus en avant, il est important de garder à l’esprit que toute verbalisation de maltraitance qu’il y ait eu passage à l’acte ou non reste inquiétant et mérite qu’on s’y attache afin de comprendre les difficultés qui la sous-tendent et que rencontre l’enfant.

Prise en charge d’une maltraitance infantile : quand soigner ne suffit pas

Une fois le diagnostic posé ou à tout le moins nos inquiétudes établies, se pose la question de la prise en charge. Que dire ? Comment énoncer les choses ? À qui faire appel ? Bref encore une fois, comment mettre l’indicible en mots ? 

Avant tout, il est primordial de ne pas perdre de vue la sécurité et l’intérêt supérieur de l’enfant mais aussi le contexte légal de notre intervention. Ainsi, il est possible de prendre avis auprès d’équipes spécialisées comme la Cellule Maltraitance de la Citadelle (voir encadré) ou d’équipes SOS enfants afin de trouver des leviers pour annoncer nos inquiétudes à la famille et à l’enfant et orienter la prise en charge. En matière de maltraitance, il est un adage qui dit “ne pas rester seul”. 

Un autre principe fondamental de prise en charge est la transparence envers les familles. Il convient d’expliquer les inquiétudes de maltraitance aux parents avant toute démarche. Si ce type d’entretien peut légitimement sembler difficile voire effrayant, l’expérience démontre à quel point un discours clair et complet permet - contrairement à ce qui est souvent pensé - de garder un lien de confiance avec les parents mais aussi avec l’enfant. Si les lésions cliniques ou les faits déposés font craindre pour la sécurité de l’enfant, un signalement au Service d’Aide à la Jeunesse et au Parquet sera rédigé, de nouveau en transparence avec la famille. En effet l’article 458 bis du code pénal permet au médecin de porter des faits de maltraitance sur mineur à la connaissance des services protectionnels et judiciaires. La prise en charge ultérieure dépendra, quant à elle, d’équipes médico-psycho-sociales spécialisées pouvant bilanter, accompagner et orienter l’enfant et sa famille. 

La Cellule Maltraitance de la Citadelle

Équipe pluridisciplinaire spécialisée dans la prise en charge de la maltraitance infantile, La Cellule Maltraitance a notamment pour mission d’accompagner les médecins et intervenants de soins de santé confrontés à des situations de maltraitance avérées ou suspectées. Un avis, une aide au signalement, une orientation ou un conseil sur la posture à adopter lors de l’entretien avec les familles et l’enfant peuvent être sollicités.

Des consultations pédiatriques peuvent également être mises en place moyennant un contact préalable avec le médecin demandeur et sa famille en toute transparence.
 

Les pathologies fréquentes en urologie pédiatrique

Dr Louisa Soukane et Dr Éric Troisfontaines

Les motifs de consultation en urologie pédiatrique sont très nombreux. Le phimosis, les pathologies du canal inguinal et la cryptorchidie font partie des plus fréquentes.

Le phimosis est une pathologie extrêmement fréquente dans la population pédiatrique (8 % à 6-7 ans ; 3 % à 12-13 ans ; 1 % à 16 ans). Il est physiologique à la naissance. Il se définit comme un rétrécissement de l’orifice préputial et peut être primaire ou secondaire. Il peut entrainer des complications de type paraphimosis et balanoposthite, qui nécessitent une prise en charge urgente. Malheureusement, le phimosis est sujet à une errance dans la prise en charge et des attitudes souvent inutilement agressives. Le traitement est en première intention médical (application de corticoïdes locaux), il devient chirurgical (circoncision) en cas d’échec du traitement médical.

Les pathologies du canal inguinal sont les malformations les plus fréquemment rencontrées en urologie pédiatrique.

La persistance du canal péritonéo-vaginal conduit à une hernie inguinale, une hydrocèle communicante ou un kyste du cordon. La prise en charge est chirurgicale et est la plupart du temps réalisée après les 12 mois de l’enfant.

Une cryptorchidie, ou anomalie de migration testiculaire, se retrouve chez 3 à 5 % des nouveau-nés (30 % des prématurés). Elle peut être unilatérale ou bilatérale (30 %). Sa prise en charge, chirurgicale, dépend de la localisation du/des testicule(s) à l’examen clinique. Elle est idéalement réalisée avant les 12 mois du garçon, le but étant de préserver la fonction testiculaire et réduire le risque de cancer, multiplié par 4 par rapport à un testicule en place à la naissance.