- Dr Marie Strivay, Chef de service, Diabétologie-Endocrinologie
- Dr Vincianne Thielen, Chef de service adjoint, Diabétologie-Endocrinologie
La prise en charge du diabète s’est considérablement améliorée ces dernières années, grâce à d’importantes innovations technologiques, éducatives et pharmacologiques.
Celles-ci ont un impact positif sur le pronostic des patients en réduisant les complications chroniques mais aussi sur leur qualité de vie, ce qui est essentiel.
Nouveautés technologiques
Comme dans beaucoup d’autres domaines, la technologie s’est développée de façon exponentielle dans la prise en charge du diabète. Les dispositifs peuvent servir à la surveillance optimalisée des glycémies à l’aide de capteurs, à l’administration d’insuline par différents modèles de pompe ou à l’aide de stylos à insuline connectés. Des applications et logiciels permettent également de proposer de la télésurveillance dans certains cas.
Actuellement, ces dispositifs sont principalement remboursés et proposés aux patients diabétiques de type 1, mais il est probable que leur usage s’étendra aux autres diabétiques dans les années à venir.
Auto-surveillance du diabète par capteurs
L’autosurveillance est un des piliers de la prise en charge des diabétiques. Elle permet au patient de s’approprier la gestion de sa maladie au quotidien et favorise la mise en place de bonnes habitudes alimentaires. Pour les patients sous insuline, elle est nécessaire à l’adaptation du traitement en sécurité.
Nous disposons de nombreux modèles de lecteurs de glycémie capillaire, qui ont des fonctionnalités variables et peuvent souvent être connectés à une application.
Depuis 2016, des capteurs du glucose interstitiel sont disponibles et remboursés, ce qui a réellement révolutionné le quotidien des patients diabétiques de type 1.
Le capteur est placé sous la peau dans le derme (il fait quelques millimètres), pour une durée variable de 7 jours à 14 jours selon les modèles. Il mesure en continu le taux de glucose du liquide interstitiel (GI). Il est associé à un transmetteur qui est collé sur la peau et permet de récupérer les données de mesure et de les communiquer au patient (par l’intermédiaire d’un lecteur ou d’un smartphone). Le patient dispose donc d’une estimation approximative de sa glycémie sanguine en temps réel. Il informe principalement sur les tendances (variations).
Le GI renseigne sur le sens de variation de la glycémie dans le temps et peut aider à identifier et à maîtriser les facteurs influençant ces variations (activité physique, stress, maladie notamment). En cas d’hypoglycémie ou d’hyperglycémie, ou si les symptômes ressentis ne correspondent pas aux résultats obtenus par le capteur sous-cutané, il est utile de compléter la mesure du GI par une mesure de la glycémie capillaire.
Les capteurs sont complètement remboursés chez les patients diabétiques de type 1, et seulement partiellement pour les diabétiques sous injections multiples (en convention diabétique). Aucun remboursement n’est prévu pour les patients en trajet de soin diabétique.
Insulinothérapie par pompe
La majorité des patients diabétiques de type 1 sont traités par injections multiples d’insuline, selon un schéma d’administration de type basal prandial : une insuline à action prolongée pour couvrir les besoins “de base” et une insuline à action (ultra) rapide pour couvrir chaque repas glucidique, avec donc un minimum de 4 injections par jour.
Les patients qui ne parviennent pas à équilibrer leur diabète de façon satisfaisante peuvent bénéficier d’une insulinothérapie par pompe, qui permet souvent d’améliorer leur diabète et leur confort quotidien.
Les pompes à insuline infusent en continu l’insuline par voie sous-cutanée, via un cathéter sous-cutané. Elles ont connu, ces dernières années, des progrès technologiques considérables, les derniers étant les pompes automatisées et la pompe patch.
Pompe avec algorithme ou pompe “intelligente”
Grâce à un algorithme complexe, la pompe décide en continu et de façon totalement automatisée la quantité d’insuline administrée au patient, sur base des informations reçues du capteur qui mesure en continu le glucose du tissu sous-cutané. Ce sont des systèmes dit semi- “boucle fermée”. On garde le terme “semi” car le patient doit toujours intervenir aux moments des repas pour annoncer les glucides qui vont être consommés.
Cette pompe à insuline est proposée aux patients diabétiques de type 1 instables (importante variabilité glycémique, alternance d’hyperglycémies et d’hypoglycémies, parfois peu symptomatiques). Les
améliorations sont parfois spectaculaires, tant en termes de stabilisation glycémique que de qualité de vie.
L’investissement du patient pour apprendre l’utilisation de ce système est important. Il doit être motivé et préparé de façon rigoureuse lors de formations en groupe et en ambulatoire dans le service de Diabétologie.
Pompe Patch
Comme son nom l’indique, il s’agit d’une pompe collée sur la peau, se distinguant des pompes utilisées jusqu’à présent par l’absence de tubulure, de “fil”, entre la pompe et le site d’implantation du cathéter sous-cutané. La pompe mesure 5 cm de long et 4 cm de large et pèse 26g (35g si elle est remplie d’insuline). Elle se place à tout endroit où une injection d’insuline peut être réalisée.
La pompe est commandée par une tablette de style “smartphone” via la technologie Bluetooth.
L’arrivée de la pompe patch permet d’élargir le public cible :
_ aux patients diabétiques de type 1 dont la taille, et donc le caractère peu discret, d’une pompe classique rebute (public plus jeune)
_ aux patients diabétiques de type 1 traités par un schéma d’insulinothérapie de type “basal prandial” qui sont souvent amenés à devoir réaliser des injections supplémentaires d’insuline ultra-rapide en cas de collation glucidique ou de montée glycémique (dose de correction)
Si la pompe patch n’est pas amenée à remplacer la pompe classique, elle constitue indiscutablement une technologie innovante permettant d’améliorer la gestion du diabète et le confort de vie au quotidien.
Stylos à insuline connectés
Depuis peu, les patients sous insuline peuvent bénéficier de stylos dits “connectés”, c’est-à-dire qu’ils peuvent garder en mémoire et transmettre leurs données à une application mobile. Cela peut aider dans la gestion quotidienne de différentes manières :
_ pour les distraits qui ne savent plus s’ils ont fait leur injection ou non
_ pour être prévenu en cas d’oubli d’injection à un repas par exemple
_ pour collecter les données et les analyser avec son médecin
Ces stylos sont disponibles gratuitement dans les conventions diabétiques et proposés aux candidats sélectionnés et intéressés.
Éducation au comptage des glucides ou insulinothérapie fonctionnelle
Lancée aux États-Unis il y a une trentaine d’années, l’insulinothérapie fonctionnelle ou IF supplante peu à peu, chez les diabétiques de type 1, l’insulinothérapie dite conventionnelle, qui est basée sur un schéma établi par le diabétologue pour son patient en fonction de la glycémie à jeun et qui suppose que les repas du patient vont être stables d’un jour à l’autre en termes de glucides consommés.
L’insulinothérapie fonctionnelle, en revanche, a pour but de reproduire aussi exactement que possible le fonctionnement naturel du corps, en ajustant les doses d’insuline à la quantité de glucides effectivement ingérés pendant les repas.
Le patient pratiquant l’IF doit dès lors calculer les glucides qu’il va consommer.
C’est plus simple qu’il n’y paraît. En divisant le poids des aliments par 2, par exemple, pour le pain – une tartine fait en moyenne 40 g et contient 20 g de glucides – ou par 5 pour les féculents cuits, c’est-à-dire les pâtes, les pommes de terre et le riz, on couvre déjà 80 % des glucides de l’alimentation. Tout cela est très bien expliqué dans un petit dépliant “Le Glucidomètre*” disponible sur le site de l’Association Belge du Diabète (ABD).
Une fois le nombre de glucides connu, le patient peut utiliser des applications qui l’aide à définir le nombre d’unités à réaliser en fonction des paramètres que le médecin aura définis et encodés dans l’application (Ratio et Sensibilité).
Nouveautés thérapeutiques
Les options thérapeutiques se sont multipliées ces vingt dernières années, tant dans le diabète de type 1 que dans le diabète de type 2.
Nous disposons maintenant de traitements supérieurs en termes d’efficacité, de tolérance et même de sécurité voire de protection cardio-rénale.
Des médicaments plus puissants
Nous faisons référence aux incrétines, qui sont à notre disposition depuis une dizaine d’années. Cette classe thérapeutique utilisée dans le diabète de type 2 permet des réductions d’HbA1c de parfois plus de 1,5 % et permet souvent de retarder le passage à une thérapie insulinique. Cette classe a également pour avantages majeurs de favoriser une perte de poids (par l’intermédiaire d’un ralentissement de la vidange gastrique) et de ne pas favoriser les hypoglycémies (qui, si elles apparaissent, sont liées à d’autres médicaments). Elles ont été disponibles d’abord en injections bijournalières (Byetta) puis en une injection par jour (Victoza) et enfin en une injection hebdomadaire (Bydureon, Trulicity, Ozempic). Depuis quelques mois, nous disposons également d’une forme orale (Rybelsus), intéressante notamment pour les patients réfractaires aux injections.
Ces thérapies sont remboursées chez le patient diabétique de type 2 qui présente une HbA1c supérieure à 7.5 % malgré un traitement à base de metformine (associée ou non à d’autres médicaments antidiabétiques) et qui présente une obésité définie par un IMC (Indice de Masse Corporelle) supérieur à 30 kg/m2.
Des médicaments qui réduisent le risque cardio-rénal
Ce sont les médicaments inhibiteurs du SGLT-2 qui ont inauguré dans ce domaine (Jardiance, Forxiga, Invokana). Ils ont prouvé chez les patients diabétiques de type 2 qu’ils réduisaient de façon très significative le risque cardio-vasculaire, et de façon rapide puisque l’effet se marquait déjà après quelques mois de traitement. C’est essentiellement par l’effet positif sur l’état de compensation cardiaque qu’ils ont pu obtenir un meilleur pronostic cardio-vasculaire. Dans un deuxième temps, l’effet protecteur rénal a été confirmé et a encore augmenté l’intérêt de cette classe chez nos patients. Si on ajoute le bon PROFIL de tolérance (hormis les mycoses génitales) et l’effet positif sur le poids, cela explique pourquoi cette classe thérapeutique a de plus en plus d’intérêt pour nos patients.
Le remboursement (chez le patient diabétique de type 2 uniquement) peut être accepté si la valeur d’HbA1c est supérieure à 6,9 % sous traitement préalable par metformine.
Les incrétines ont également pour la plupart un effet positif sur le risque cardio-vasculaire, et sont donc particulièrement indiquées en cas d’antécédent ou de très haut risque cardio-vasculaire.
Les analogues de l’insuline de dernière génération
L’industrie pharmaceutique a élaboré ces 20 dernières années des insulines analogues de plus en plus adaptées à la physiologie. Elles permettent d’améliorer le contrôle du diabète et de réduire le risque d’hypoglycémie, ce qui reste l’effet secondaire le plus redouté par les patients.
Ces analogues ont remplacé progressivement les insulines humaines, qui ne sont plus prescrites que dans des cas bien particuliers (corticothérapie, gastroparésie diabétique).
Deux analogues lents sont disponibles depuis quelques années : la Toujeo (qui est de la Lantus concentrée à 300 UI/ml) et la Tresiba. Elles ont une durée d’action encore prolongée par rapport aux analogues lents de première génération (Lantus et Levemir), proche de 48 heures, permettant une meilleure couverture, tout en réduisant le risque d’hypoglycémie notamment nocturne. Elles sont remboursées pour tous les types de diabète qui nécessitent une couverture en insuline lente.
Des analogues ultra-rapides ont enfin été mis à disposition (Fiasp, Lyumjev), qui par rapport aux précédents (Novorapid, Humalog, Apidra), sont résorbés plus rapidement dans le tissu sous-cutané avec un délai d’action raccourci de 5 à 10 minutes. Cela permet surtout de réduire le pic hyperglycémique post-prandial. Ils sont remboursés également aussi bien dans le diabète de type 1 que dans le type 2, chez les adultes et les enfants.
CONCLUSION
La diabétologie est une discipline en pleine évolution, et toutes les innovations développées ces dernières années nous permettent de gagner en efficacité et en adhérence thérapeutique, en individualisant les approches pharmacologiques, éducatives et technologiques.
Le diabète reste une maladie chronique, sévère, nécessitant un suivi régulier et muldisciplinaire. La technologie et les médicaments doivent bien sûr toujours être associés aux contacts médicaux et éducatifs.
Contacts :
• Rendez-vous : 04 321 61 50
• Secrétariat : 04 321 70 9304 321 83 81 (Convention diabétique)