- Dr Florence Maraite, Ophtalmologue
- Dr Ariane Milet, Ophtalmologue
Les plaintes de baisse d’acuité visuelle sont fréquentes tant chez les jeunes adultes que chez les personnes plus âgées. Les patients peuvent signaler la présence d’une tâche, noire ou colorée, d’ondulations ou de regarder “comme à travers une haie”. Ces symptômes peuvent être apparus de façon brutale, progressive ou être de découverte fortuite à l’occasion de l’occlusion d’un oeil.
L’ophtalmologue est le spécialiste à qui adresser ces patients. On ne peut s’empêcher de suspecter une sclérose en plaques si le patient est jeune ou un accident vasculaire cérébral si le patient est plus âgé. Il ne faut cependant pas perdre de vue qu’il existe de nombreuses causes ophtalmologiques à une perte de vision et que seul un examen complet réalisé par un ophtalmologue permettra une exploration réfléchie, d’adresser le patient au spécialiste approprié si nécessaire et d’entamer le traitement adéquat.
En effet, les techniques d’exploration en ophtalmologie se sont perfectionnées ces dernières années.
Elles permettent maintenant de déterminer avec précision quel tissu est atteint, de la cornée au nerf optique en passant par le cristallin et les différentes couches de la rétine (rétine neurosensorielle, épithélium pigmentaire, choroïde), permettant une prise en charge rapide et efficace.
Ainsi, une baisse d’acuité visuelle sans douleur ni rougeur sera explorée par l’étude du champ visuel (périmétrie), une tomographie en cohérence optique et si nécessaire une angiographie à la fluorescéine, un électrorétinogramme et des potentiels évoqués visuels.
La périmétrie (manuelle ou automatisée) nécessite une attention soutenue du patient. Son visage est placé au centre d’une coupole. Des points à luminosité variable vont apparaître à différents endroits de la coupole. Tout en gardant sa fixation sur un point central, le patient est invité à appuyer sur un bouton lorsqu’il les perçoit. Cet examen permettra en fonction de la présence de scotome central, arciforme ou hémianopique de diagnostiquer entre autres une névrite optique, une neuropathie alcoolo tabagique, un glaucome ou un accident vasculaire cérébral.
La tomographie en cohérence optique (OCT) utilise un faisceau lumineux pour établir une image selon différents degrés de réflectivité correspondant aux différentes couches cellulaires.
Les images obtenues ressemblent à la structure histologique et ont une résolution de 1 micron. Elles peuvent donc mettre en évidence les décollements séreux responsables des choriorétinopathies séreuses centrales du sujet jeune, les décollements de l’épithélium pigmentaire responsables de scotomes et métamorphopsies chez la personne âgée atteinte de dégénérescence maculaire et les atrophies des nerfs optiques d’origine compressive ou génétique.
Plus récemment, une nouvelle technologie d’OCT permet d’obtenir des images du flux sanguin dans les vaisseaux de la rétine (OCT-angiographie).
L’angiographie à la fluorescéine consiste en l’acquisition de photographies de la rétine et du nerf optique après l’injection intraveineuse d’un colorant fluorescent. En situation normale, les vaisseaux et capillaires rétiniens sont imperméables à la fluorescéine. Les images vont permettre de mettre en évidence une occlusion d’artère ou de veine rétinienne, un oedème du nerf optique, un néovaisseau maculaire ou une vascularite.
L’électrorétinogramme multifocal (ERG) utilise une stimulation lumineuse générée sur un moniteur de télévision. Ces photons vont entraîner au niveau des photorécepteurs rétiniens une cascade de réactions biochimiques transformant l’énergie lumineuse en énergie électrique. Des électrodes cutanées et placées sur la cornée permettent d’enregistrer cette réponse électrique des cellules rétiniennes. L’électrorétinogramme multifocal permet ainsi de diagnostiquer la toxicité oculaire de certains médicaments (antipaludéens de synthèse) ainsi que les dystrophies rétiniennes d’origine génétique.
Enfin, les potentiels évoqués visuels sont obtenus en demandant au sujet de fixer un écran sur lequel apparaît un damier. Les électrodes de recueil sont placées en regard des aires visuelles du cortex occipital. La réponse électrique du cortex provoquée par la stimulation visuelle est enregistrée et permet d’évaluer la fonction des voies visuelles (plus particulièrement les nerfs optiques). Cette réponse donne une information indispensable pour différencier une neuropathie optique inflammatoire des autres neuropathies optiques (carentielle, compressive, ischémique).
Un bilan ophtalmologique est donc indispensable chez un patient signalant une baisse d’acuité visuelle sans rougeur, douleur ou signe neurologique associé. Les causes ophtalmologiques sont en effet nombreuses. Lorsque la cause n’est pas directement liée à l’oeil, la prise en charge sera réalisée conjointement avec l’ophtalmologue qui permettra de renseigner le spécialiste (neurologue, neurochirurgien, rhumatologue) sur l’évolution et l’efficacité du traitement entrepris.