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L'imagerie fonctionnelle à l'échelle moléculaire

10/04/2018

Dr Frédéric Daenen

Plusieurs traceurs utilisés en médecine nucléaire conventionnelle ou en tomographie par émission de positons (PET-Scan) sont spécifiques d’un récepteur/transporteur membranaire cellulaire.
Ces traceurs ont donc la caractéristique de se fixer spécifiquement sur une population cellulaire en fonction de son phénotype.
Il peut, dès lors, s’agir de chercher à mettre en évidence la disparition de cellules saines dans un processus pathologique, comme c’est le cas de la maladie de Parkinson idiopathique ou d’autres pathologies neuro-dégénératives.
Il peut s’agir en revanche de chercher la présence de cellules pathologiques dans certains processus évolutifs malins, dans le contexte du bilan d’extension de la maladie initiale ou d’une recherche de récidive.
Ce chapitre est destiné à la présentation de quelques explorations de médecine nucléaire impliquant l’utilisation de molécules spécifiques d’un/de type(s) de récepteurs cellulaires.

Le Datscan
Le Datscan utilise une molécule lipophile dénommée l’ioflupane (I123-beta-carbomethoxy-3beta-14-iodophenyl), de structure chimique très proche de celle de la cocaïne, marquée à l’iode 123, se fixant spécifiquement sur les transporteurs des neurones dopaminergiques pré-synaptiques. Cette molécule possède également une discrète affinité pour les transporteurs de la sérotonine.
Les neurones dopaminergiques de la substance noire synthétisent la dopamine à partir de la tyrosine. Lors d’un potentiel d’action, la dopamine se trouve libérée dans l’espace synaptique des voies nigro-striées où elle joue le rôle de neurotransmetteur en se fixant à des récepteurs dopaminergiques, D1 à D5 sur la cellule post-synaptique (fig. 1).
La dopamine libérée dans l’espace synaptique peut également être recaptée par les neurones pré-synaptiques en se fixant à des transporteurs dopaminergiques pré-synaptiques (fig. 1).

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Figure 1

L’ioflupane (ou Datscan) a une très grande affinité pour ces transporteurs dopaminergiques pré-synaptiques. Cette molécule ne se fixe par contre pas sur les récepteurs dopaminergiques post-synaptiques.
L’injection de cette molécule permet donc de mettre en évidence la présence ou au contraire la disparition (hypofixation/absence de fixation) de neurones dopaminergiques pré-synaptiques viables.
La figure 2 illustre un Datscan normal avec fixation du traceur au niveau de la tête des noyaux caudés et des putamens, se traduisant par une image en «double virgule symétrique» en regard des noyaux gris centraux (fig. 2).

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Figure 2

La pathologie impliquant typiquement la disparition progressive des neurones dopaminergiques au niveau du striatum, est la maladie de Parkinson idiopathique (fig. 3). Il existe d’ailleurs une corrélation entre l’hypofixation striatale de l’ioflupane et le stade évolutif de la maladie (1).

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Figure 3

D’autres pathologies s’accompagnent d’une dénervation dopaminergique pré-synaptique nigrostriée. C’est le cas de la paralysie supra-nucléaire progressive, de l’atrophie multisystématisée et de la démence à corps de Léwy.
En revanche, le syndrome extrapyramidal d’origine iatrogène (prise de neuroleptiques), ainsi que la maladie d’Alzheimer n’altèrent pas l’intégrité des neurones dopaminergiques nigrostriés pré-synaptiques. Le Datscan s’avère donc normal dans ces entités pathologiques.

La scintigraphie MIBG
Dans ce cas, il s’agit d’un traceur développé dans les années 80, l’iobenguane ou méta-iodobenzylguanidine. La molécule possédant un groupe phényl portant un atome d’iode est marquée à l’I 123 ou à l’I 131.
Cet analogue de la guanéthidine, de structure similaire à celle de la noradrénaline, présente une concentration élective dans les organes/cellules dotés d’un pouvoir de captation et de stockage des catécholamines (médullo-surrénales, paraganglions sympathiques, fibres nerveuses du système sympathique …).
Ses indications en oncologie sont donc la détection, la localisation, le bilan d’extension et le suivi des tumeurs sécrétant des monoamines tels que le phéochromocytome, le neuroblastome, les paragangliomes, les tumeurs carcinoïdes et le carcinome médullaire de la thyroïde.
La structure moléculaire de la MIBG lui confère donc une très grande affinité pour un type cellulaire et cette spécificité a imposé la scintigraphie MIBG comme référente dans l’exploration des tumeurs médullo-surrénaliennes (phéochromocytome) (fig. 4), mais également des tumeurs dérivées de la crête neurale en oncologie pédiatrique (neuroblastome).

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Figure 4

C’est ainsi qu’une méta-analyse portant sur des articles publiés entre 1980 et 2007 rapporte des sensibilités et spécificités supérieures à 90 % pour les diagnostics de neuroblastome et phéochromocytome (2).
Grâce aux mêmes propriétés, la scintigraphie à la MIBG permet également d’évaluer l’innervation sympathique cardiaque post-ganglionnaire. Ainsi, la captation cardiaque de la MIBG se trouve nettement diminuée dans la maladie de Parkinson idiopathique et dans la démence à corps de Léwy et, plus modérément diminuée dans l’atrophie multisystématisée, la paralysie supranucléaire progressive et la dégénérescence cortico-basale.
La scintigraphie cardiaque à la MIBG peut également évaluer les réserves adrénergiques myocardiques des patients insuffisants cardiaques. Les figures 5a à 5c illustrent respectivement la fixation de ce traceur au niveau du myocarde chez un patient dont la fonction cardiaque est normale et chez des patients intégrant les classes II et IV selon la classification fonctionnelle de la NYHA dans l’insuffisance cardiaque (fig. 5a à 5c).

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Traceurs PET de récepteurs cellulaires
Dans le domaine de la tomographie par émission de positons (PET-Scan), d’immenses avancées scientifiques récentes ont permis l’émergence de traceurs tout à fait spécifiques de récepteurs ou protéines membranaires cellulaires permettant la détection de certains types de tumeurs avec une très grande sensibilité et spécificité.
C’est le cas du traceur PET ciblant le PSMA (prostate specific membrane antigen).
Le PSMA est une protéine transmembranaire exprimée par toutes les formes de cellules prostatiques, y compris par les cellules prostatiques cancéreuses, et le développement récent d’un ligand spécifique de cette protéine transmembranaire marqué au Gallium 68, isotope émetteur de positons, a constitué un progrès majeur en oncologie urologique, en particulier dans le cadre de la récidive du cancer prostatique.
En effet, le PET au PSMA marqué au Gallium 68 permet la détection et la localisation de la récidive avec une très grande sensibilité, notamment en fonction du taux sérique de PSA, nettement supérieure à 90 % pour des taux de PSA > 2 ng/ml, jusqu’à des chiffres de 50 % de sensibilité pour des taux de PSA < 0.5 ng/ml (3).
La figure 6 illustre la mise en évidence par cette technique d’une récidive ganglionnaire de néoplasie prostatique passée totalement inaperçue en imagerie structurelle standard, dans un contexte d’élévation minime des PSA (fig. 6).

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Figure 6

Dans un tout autre domaine de l’oncologie, l’imagerie PET des tumeurs neuroendocrines a également bénéficié dans un passé récent de la mise au point de traceurs se fixant spécifiquement sur les récepteurs à la somatostatine, surexprimés par les cellules des tumeurs neuroendocrines gastro-intestinales.
Ces traceurs (DOTATATE, DOTANOC) marqués au Gallium 68 sont des peptides analogues à la somatostatine et se lient avec une grande affinité à certains sous-types de récepteurs à la somatostatine. Ces traceurs présentent également des sensibilités et spécificités supérieures à 90 % pour le diagnostic et le bilan d’extension des tumeurs neuroendocrines gastro-intestinales (4).



Sources

1) neurologie.com/ vol 1 n°5/09/2009).
2) Jacobson AF et al ;J. Clin Endocrinol Metab 2010 Jun ; 95/6. 2596-606.
3) Eiber M et al ; JNM 2015 ;56 :668-74
4) Treglia G et al ; Endocrine 2012 ;42 :80-7