A l’heure actuelle, la plupart des centres de médecine nucléaire sont équipés d’un appareil de scintigraphie de type SPECT/CT.
Le CHR Liège a été l’un des premiers centres de médecine nucléaire de la province à disposer de cet appareil hybride couplant des images tomoscintigraphiques et scanographiques acquises successivement au cours d’un même examen.
Dr Florence Pâques
Qu’est-ce que le SPECT/CT ?
Le SPECT(ou TEMP en français) est l’acronyme de «single photon emission tomography» ou tomographie à émission monophonique. Le principe de base consiste à injecter un traceur radioactif émettant des rayons gamma. La caméra SPECT détecte les rayons gamma émis, selon une déclinaison de nombreux angles couvrant les 360° autour de l’organe étudié (fig. 1), et génère une image dans les 3 plans de l’espace.
Le SPECT/CT consiste à réaliser successivement, lors d’un même examen, sur la même machine, un SPECT puis un CT dans le but de fusionner les images obtenues par chaque modalité (scintigraphie et scanner radiologique) afin d’obtenir une image mixte dite de fusion. On parle d’imagerie hybride.


Figure 1
Quels sont les intérêts et avantages du SPECT/CT ?
La scintigraphie conventionnelle, par exemple osseuse, est une modalité d’imagerie très sensible. En revanche, la spécificité de la technique est nettement plus limitée notamment en raison de l’absence de repère anatomique.
Une des grandes difficultés de la scintigraphie planaire ou de la tomoscintigraphie seule est d’obtenir un diagnostic «précis et certain» sur base d’une hyperfixation, surtout dans des zones anatomiques complexes. Dans bon nombre de cas, après la réalisation d’une scintigraphie «seule», il est nécessaire de recourir à une exploration morphologique complémentaire (RX, CT, IRM ,…) pour affiner le diagnostic.
Le SPECT/CT offre la possibilité de réaliser d’emblée cette exploration morphologique complémentaire par la réalisation du CT, le patient gardant la même position durant toute l’exploration. La réalisation des deux techniques dans la même position est nécessaire à la fusion des images.
La corrélation des anomalies fonctionnelles scintigraphiques et des images anatomiques scanographiques ainsi que l’exploration de l’image dans les 3 plans de l’espace permettent la localisation anatomique précise et la caractérisation d’une lésion au niveau de structures anatomiques complexes.
Le SPECT/CT réduit donc les incertitudes diagnostiques de la tomoscintigraphie et permet d’aboutir à une plus grande probabilité d’affirmer un diagnostic et améliore ainsi considérablement la spécificité globale.
Le SPECT/CT fournit des informations complémentaires et non redondantes, car les sites d’absorption pathologiques du radionucléide sur les images SPECT peuvent attirer l’attention sur des anomalies anatomiques scanographiques subtiles.
La réalisation d’un CT, en complément d’une tomoscintigraphie, peut aussi être utilisée dans l’algorithme de reconstruction tomographique pour corriger l’atténuation des photons sur leur trajet parcouru. In fine, la qualité de l’image scintigraphique obtenue est améliorée.
Quelques exemples d’application du SPECT/CT en ostéoarticulaire
Le champ principal d’utilisation du SPECT/CT est l’exploration de pathologies ostéo-articulaires bénignes ou malignes par l’injection de diphosphonates marqués au Tc99m.
Une grande partie des SPECT/CT osseux est réalisée lors de la recherche de métastases osseuses surtout dans le cadre des néoplasies prostatique ou mammaire (1,2).
Le rachis et le bassin sont les localisations les plus fréquentes de métastases osseuses.
La reconnaissance de ces métastases est cruciale. Or, ces régions anatomiques sont souvent le siège de pathologies coexistantes, telles qu’une maladie dégénérative ou des fractures, qui peuvent rendre difficile le diagnostic différentiel entre pathologie bénigne ou maligne. Dans ces cas, la réalisation d’un SPECT/CT apporte une précision diagnostique améliorée en corrélant les imageries fonctionnelle et anatomique. (fig. 2)

Figure 2 - A gauche: lésion métastatique osseuse - A droite : arthrose.
L’obtention d’un diagnostic de certitude avec la réalisation d’une imagerie hybride réduit la nécessité de recourir à d’autres techniques d’imagerie potentiellement irradiantes et sources d’angoisse pour le patient.
L’indication la plus probante du SPECT/CT en pathologie ostéo-articulaire bénigne est la douleur post-traumatique persistante malgré une radiographie standard négative(1). La technique permet en effet de dépister avec une très grande sensibilité, ou a contrario d’exclure formellement, une lésion osseuse fracturaire, avec ou sans déplacement. Les figures 3a à 3d illustrent parfaitement cette indication dans le cas d’un patient sportif s’étant présenté pour douleurs post-traumatiques et chez qui la radiographie standard se révélait normale, au contraire du SPECT-CT qui mettait en évidence deux fractures, tibiale distale et métatarsienne (fig. 3c et 3d).

Figure 3a à gauche - Radiographies normales suite à un trauma sportif
Figure 3b à droite - Scintigraphie planaire pathologique

Figure 3c - SPECT/CT révélant une fracture rebord postérieur tibia
Figure 3d - SPECT/CT révélant une fracture base 1er MTT
Une autre indication recommandée de la technique est la localisation précise d’une douleur rachidienne potentiellement pluri-factorielle (1, 2). La fixation du traceur scintigraphique sur le front ostéoblastique de remodelage osseux permet de localiser l’étiologie des douleurs.
La réalisation d’un SPECT/CT préalablement à une infiltration facettaire permet de préciser et localiser le site le plus actif pouvant être la cible de l’infiltration dont la probabilité d’efficacité est alors améliorée.(3) (fig. 4)

Figure 4 - Arthrose postérieure L4-L5 active
Le SPECT/CT centré sur le rachis est également indiqué lorsque l’IRM n’est pas réalisable.
Une part importante de la réalisation des SPECT/CT osseux consiste en l’exploration de douleurs liées à la présence d’une prothèse de hanche ou de genoux (1). En effet, les images scintigraphiques obtenues ne sont pas artéfactées par les composants métalliques des matériaux prothétiques. La réalisation d’un SPECT/CT peut révéler des informations capitales concernant la position exacte des composants prothétiques, l’étendue d’une éventuelle ostéolyse, l’évolution de fractures péri-prothétiques ainsi que l’état des tissus mous adjacents.
Une autre application du SPECT/CT, en pathologie osseuse, est la recherche d’ostéite dont le diagnostic précoce, permettant une meilleure prise en charge, reste souvent un défi (1). C’est particulièrement le cas dans le cadre des pathologies secondaires au diabète ou encore de plaies et de mauvaise cicatrisation en post-opératoire.
La scintigraphie osseuse aux disphosphonates peut, éventuellement, être complétée par une scintigraphie aux globules blancs marqués selon une modalité SPECT/CT (1). Cette dernière permet également de diagnostiquer une infection éventuelle des tissus mous en plus d’une ostéite.
Lymphoscintigraphie
La lymphoscintigraphie du ganglion sentinelle est devenue une procédure classique habituelle pour localiser le premier relais ganglionnaire dans les pathologies néoplasiques notamment mammaires et cutanées (2).
Si, dans le cancer du sein, l’imagerie planaire est souvent suffisante pour déterminer de façon précise la localisation anatomique du ganglion sentinelle, la situation peut être plus délicate dans les cas de mélanomes où le site de drainage lymphatique n’est pas toujours évident et les régions anatomiques complexes. Le SPECT/CT permet alors d’augmenter la précision anatomique en indiquant la profondeur et la localisation précise du ganglion sentinelle. La connaissance pré-opératoire précise de la localisation anatomique permet de faciliter le geste chirurgical consistant à extraire le ganglion sentinelle pour analyse et de planifier la voie d’abord (fig. 5).

Figure 5 - Cancer du sein : ganglion sentinelle localisé par SPECT/CT
Hyperparathyroidie
L’une des causes fréquentes d’hyperparathyroïdie est l’adénome parathyroïdien. La mise en évidence de cet adénome n’est pas toujours aisée et l’apport de la technique SPECT/CT est un bon atout diagnostique (2).
En effet, le SPECT/CT apporte une valeur additionnelle en permettant de guider le geste chirurgical. Le SPECT/CT permet d’identifier simultanément la zone métaboliquement pathologique et la localisation anatomique précise (profondeur du foyer et position par rapport aux structures environnantes et adjacentes). Ceci est illustré par la figure 6 qui met clairement en évidence un adénome parathyroïdien gauche.
Le SPECT/CT peut également être réalisé après une première chirurgie n’ayant pas abouti à l’exérèse d’un adénome, notamment pour rechercher une localisation ectopique.

Figure 6
Conclusions
Le SPECT/CT est un outil puissant qui exploite la synergie entre les données anatomiques fournies par le CT et les informations fonctionnelles liées à l’imagerie avec radionucléide, dans le but de fournir une localisation lésionnelle précise et de meilleures interprétations des caractéristiques d’une lésion, aboutissant à l’amélioration considérable de la spécificité des explorations de médecine nucléaire. L’intérêt du SPECT/CT est large et s’étend à de nombreuses indications dont les principales ont été illustrées ici.