Notions d'ergospirométrie
I. Introduction
L'analyse des échanges gazeux respiratoires durant l'épreuve d'effort est un outil appréciable dans l'évaluation des patients souffrant d'une pathologie cardio-vasculaire et/ou pulmonaire. L'ACC/AHA Task Force reconnaît trois catégories d'indications pour cette exploration fonctionnelle.
Catégorie 1
- Evaluation de la capacité fonctionnelle et réponse au traitement chez des patients décompensés cardiaques considérés candidats à une greffe cardiaque.
- Appoint au diagnostic différentiel d'une limitation cardiaque versus pulmonaire, comme cause d'une réduction de la tolérance fonctionnelle ou d'une dyspnée induite à l'effort.
Catégorie 2a
- Evaluation de la capacité fonctionnelle chez des patients pour lesquels l'obtention d'une épreuve d'effort maximale définie subjectivement n'est pas fiable.
Catégorie 2b
- Evaluation de l'amélioration de la tolérance à l'effort chez des patients soumis à une intervention thérapeutique spécifique.
- Détermination de l'intensité de l'entraînement physique en tant qu'élément nécessaire à l'établissement d'un programme de revalidation cardiaque.
Catégorie 3
- Usage routinier pour l'évaluation de la tolérance à l'effort.
II. Paramètres ergospirométriques
Initialement, la mesure des échanges gazeux se limitait à la consommation d'oxygène (VO2), la production de dioxyde de carbone (VCO2), la ventilation minute (VE) et le seuil anaérobique (AT). La mesure des échanges gazeux a récemment été simplifiée par le développement de technologies d'analyseurs rapides pour l'O2 et le CO2 ; le traitement informatique des données obtenues permet l'étude des relations entre différents paramètre au cours du temps (baseline, effort et récupération)
1° La VO2 au maximum de l'effort est considérée comme le meilleur index de capacité aérobique et de fonction cardio-respiratoire.
- La VO2 max est définie comme le niveau de VO2 au-delà duquel ne survient plus aucune augmentation de VO2 malgré l'accroissement de la charge de travail, durant un exercice triangulaire : un plateau de VO2 est atteint.
- La VO2 de pointe (Peak VO2) est la VO2 maximale atteinte durant un exercice triangulaire, sans toutefois impliquer l'obtention du plateau typique de VO2 max. La plupart des études cliniques font référence à la Peak VO2 plutôt qu'à la VO2 max., souvent difficile à déterminer de façon précise. L'évaluation de la Peak VO2 sur base de diverses formules publiées est particulièrement imprécise, car dépendant d'une large variété de populations plus ou moins entraînées, fonctions du protocole d'effort imposées, de la pathologie sous-jacente, cardiaque ou pulmonaire,... Par contre, la mesure directe de la VO2 est fiable et reproductible.
2° Le quotient respiratoire (QR ou RER pour "Respiratory Exchange Ratio") est le rapport du CO2 produit par la quantité d'oxygène consommée. Il varie généralement entre 0.7 et 0.85 au repos, dépendant en grande partie du type de métabolisme cellulaire : 0.7 lors de la consommation de 100 % de lipides, 1 pour la consommation de 100 % de glucides. Aux niveaux élevés de l'exercice, la production de CO2 dépasse la VO2, résultant en un RER supérieur à 1 et indiquant généralement l'obtention d'un effort maximal.
3° Le seuil anaérobique (AT pour "Anaerobic Treshold") est le moment auquel la ventilation augmente de façon abrupte et plus rapide que la VO2. Il s'agit d'un point remarquable dans le déroulement de l'exercice. Le seuil anaérobique est déterminé par différentes techniques dérivées de l'analyse continue des gaz expirés :
- la perte de la linéarité de la relation entre la ventilation minute (VE) et la production de CO2 ;
- l'augmentation brutale de quotient respiratoire (RER) ;
- l'augmentation du rapport VE/VO2 sans augmentation du rapport VE/VCO2 ;
- la plus petite valeur du rapport VE/VO2 mesurée durant la pratique de l'exercice ;
- le point de divergence entre les courbes d'augmentation en VO2 par rapport à l'effort (relation linéaire) et d'augmentation (curvi-linéaire) de la ventilation totale et de la production de CO2.
III. Bases physiologiques et métabolisme de l'exercice
L'activité physique repose sur la contraction coordonnée de groupes musculaires constitués d'ensembles d'unités motrices recrutées selon les mouvements nécessaires et le développement requis en puissance. Chaque fibre musculaire est une usine thermodynamique transformant l'énergie chimique en énergie mécanique. La production d'ATP permet les modifications de configuration des protéines intervenant dans la contraction : troponine, tropomyosine, myosine et actine, en présence du calcium libéré dans le sarcoplasme suite à la stimulation axonale. 1° Un petit stock intracellulaire d'ATP est très rapidement consommé, tout d'abord régénéré à partir de la phosphocréatine, une réaction catalysée par la créatine kinase (dosable dans le sang en cas de lésions musculaires). Ce processus ne fournit de l'énergie que durant les 30 à 60 premières secondes de la contraction. 2° Ensuite, une étape glycolytique (dite alactacide, car la production d'acide lactique qui en résulte reste à ce stade négligeable) couvre le solde des besoins énergétiques durant les 1 ou 2 premières minutes, le temps que s'installe le métabolisme oxydatif. La production énergétique par la glycolyse d'une molécule de glucose est limitée à 8 ATP (avec formation de 2 molécules d'acide lactique). 3° Par la voie oxydative, une molécule de glucose fournira plus de 30 ATP (tout pyruvate ou groupe acétyl CoA entrant dans le cycle de Krebs et alimentant la chaîne respiratoire conduit à la formation de 15 molécules d'ATP.). Si, en fonction du dépassement des capacités oxydatives, ce mécanisme de production aérobique est insuffisant, la glycolyse est réactivée, avec production d'acide lactique en quantités plus importantes : une dette lactacide survient, signant le seuil anaérobique. Pour les efforts brefs et intenses, le glucose est le métabolite préférentiel. Pour les efforts de moindre intensité et de plus longue durée, les acides gras (découpés en acétyl CoA) fournissent la plus grande partie de l'énergie aérobique. Pour rappel, il existe deux types de fibres musculaires :
- les fibres blanches, de grande taille, relativement peu vascularisées et pauvres en mitochondries, capables d'une contraction très rapide mais de faible résistance à la fatigue : métabolisme principalement glycolytique.
- Les fibres rouges, de plus petite taille, fortement vascularisées et très riches en mitochondries. Leur vitesse de contraction est plus lente mais leur résistance à la fatigue très élevée avec une haute capacité d'oxydation par le cycle de Krebs.